lundi 5 octobre 2009

L'appel

L’appel du large, après avoir goûté l’ivresse océanique
Est devenu comme une permanence nouvelle qui aiguise la conscience d’un monde superficiel, outrageusement commerçant et surmédiatisé révélant désormais sa futilité.
La houle déverse alors le rythme lancinant de son roulement qui vient caresser un bateau désiré jusqu’à la provocation.
Puis c’est une lame de fond qui vient se fracasser sur le perron, bousculer les icônes que je croyais sacrées et emporter dans son ressac les liqueurs précieuses que je préservais dans les calices de mes certitudes.

Je me dis - je partirai, un jour, c’est certain – mais je dois pour m’en convaincre acquérir l’assurance que ceux que j’imagine m’aimer y seront prêts et n’auront pas de peine à me voir m’éloigner du rivage, il faudra les savoir heureux pour partir sans remords.
Comme l’écrit Baudelaire dans ‘’Le voyage’’,
« …. Faut-il partir ? Rester ? Si tu peux rester, reste ; Pars, s'il le faut …. »
Alors partir, mais seulement dans sa tête est-ce bien suffisant pour éviter de sombrer dans la folle mélancolie du rêve jamais accompli ?
Le voyage par procuration nous laisse essoufflé par l’immobilité, le cœur n’y est plus car on ne construit pas des souvenirs en ne tournant que des pages de papier.

Il faut oser parcourir les pages de sa vie au gré des respirations du monde, se retrouver parfois nu dans une tempête et accepter d’affronter quelque colère océane, se remettre en jeu et miser, même avec trois fois rien face au carré d’as du destin jusqu’à en perdre sa culotte, puis repartir, sans culotte, certes, mais du pas assuré de celui qui a joué un morceau de sa vie sans brûler ses convictions, sans se soumettre aux sirènes mercantiles et illusoires des marchands de stocks options.

Après avoir goûté à ce vertige de l’immensité océane rien ne peut plus être comme avant. Le monde m’est apparu d’une façon que je n’imaginais pas, fascinant d’une beauté insondable. On y perçoit une force aux dimensions cosmiques qui ramènent l’échelle humaine à une peccadille.
Dans une sérénité inconnue jusqu’alors il n’y a plus qu’à s’y laisser fondre, devenir particule élémentaire et participer à la magie universelle.
Le verbe être révèle une nouvelle évidence, il n’y a plus d’états d’âme mais un état d’être qui nous réinsère sans plus de drame dans la course du temps, apaisé.


L’appel - Huile sur Toile - Dominique Trutet

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