Le port est calme et silencieux, les bateaux dorment à quai comme des ruminants paisibles rangés dans l’étable. Les mâts, les baumes, les étais sont à nu, débarrassés de leurs voiles et les alignements de métal froid le long des catways donnent un peu des allures mornes à ce lieu habituellement animé. L’hiver s’installe, avec ses brumes, ses frimas, et les voiliers ont comme perdu de leur superbe dans ces jours froids et humides. On a fait l’hivernage, rangé les voiles et les selleries au sec, dans le garage, laissés ouverts les équipets des cabines, purgé les circuits du moteur Diesel, gavé les échangeurs d’antigel, posé quelques blocs anti-humidité puis refermé la descente en laissant s’échapper un soupir.
Il faudra désormais tenir plusieurs mois ainsi. Un bon feu de cheminée sera bien utile pour aller y perdre son regard dans la danse des flammes, comme des soleils attendus.
Le printemps est loin, trop loin, il est désormais dans le rêve qu’on va entretenir patiemment.
Cap au Sud, alizés, nav’ de nuit, des mots et des images viendront peupler les pensées et qui sait, faire naître de nouveaux projets pour de futurs beaux jours.
L’hiver, comme une nécessaire respiration, sert à cela, à repenser, reconstruire, se projeter.
Et dès que les couleurs, les replis souples des voiles sur les baumes, les tintements des drisses sur les mâts reviendront habiller le port, on se sentira prêt pour de nouveaux départs, longuement mûris au coin du feu dans les cocons de l’hiver.
Ploumanach - Huile sur Toile - Dominique Trutet
